La gourmandise

Et si la «gourmandise» n'était plus un péché?

Les proches de Lionel Poilâne plaident devant le Vatican pour que la «gourmandise» ne désigne plus un péché

PARIS (AP) -- [13/01/2003 19:50]

Le boulanger Lionel Poilâne, disparu en octobre dernier, souhaitait voir ce mot qui résumait son art de vivre débarrassé de l'injuste» opprobre chrétienne. Il avait écrit à cette fin une supplique au pape que sa fille Apollonia remettra directement à Jean Paul II lors d'une audience privée fin janvier au Vatican.

Entre provocation amusée et profondeur, le défunt boulanger, de confession catholique, avait fondé il y a un an et demi avec quelques amis érudits et gourmands l'association «De la question gourmande» pour demander au Saint-Siège la modification de la traduction de ce péché dans la langue française. Loin de prétendre vouloir réduire la liste des péchés capitaux, ils suggéraient de substituer au nom de «gourmandise», synonyme pour eux de partage, de convivialité et d'épanouissement, le terme de «gloutonnerie», voire d'intempérance ou de goinfrerie.

Après la disparition du boulanger dans un accident d'hélicoptère en mer le 31 octobre dernier, sa «bande de gourmands» n'a pas abandonné le combat. Conformément à ses voeux, sa fille Apollonia, 19 ans, devenue présidente d'honneur de l'association, a remis le 17 décembre la supplique au pape à Mgr Fortunato Baldelli, le nonce apostolique en France. Emu par cette jeune fille qui venait de perdre brutalement ses deux parents, et semble-t-il séduit par la démarche, ce dernier lui a proposé une audience privée avec le souverain pontife qui aura lieu le 29 janvier prochain, a expliqué lundi la présidente de l'association Catherine Soulier à l'Associated Press. La jeune fille pourra ainsi remettre directement au pape la supplique dans laquelle Lionel Poilâne dénonçait «l'injustice» dont était victime la langue française. En effet, arguait-il la traduction du péché capital n'a pas le même sens en latin, en anglais, en italien, en espagnol ou en allemand. Ainsi en anglais, il se traduit par «gluttony», la gloutonnerie.

Mais «l'activité débridée des grandes gorges, des gloutons, des attrape-tout, des avaleurs, des goinfres, des bâfreurs ou des voraces, est très éloignée de notre culture française et de la gourmandise qui demeure l'aimable activité du gourmand», écrivait-il. «Depuis des siècles et des siècles, une fierté populaire a introduit la gourmandise dans les cuisines de la culture francophone», expliquait le boulanger qui avait contribué à faire connaître dans le monde entier la miche à l'ancienne qui porte son nom. Et, faisait-il remarquer à Jean Paul II, «l'histoire de ces crus d'exception que sont le Châteauneuf-du-Pape ou le Pape Clément, qui sont présents à votre table» en apporte «la preuve éclatante». Pour Lionel Poilâne, «l'ombre portée par cette condamnation, culpabilisante», de la gourmandise par l'église catholique, «a de nombreuses conséquences déshonorables à l'égard des gourmands, mais surtout des créateurs d'oeuvres savoureuses»... Et pour achever d'emporter l'adhésion du Saint-Père, le boulanger se permettait de lui rappeler que lui-même avait évoqué lors d'une allocution en 1999, le «souvenir des gâteaux à la crème anglaise mangés après les examens». Autour de la «bande de gourmands» de Lionel Poilâne, un comité de parrainage regroupant plusieurs personnalités, d ont les grands chefs Paul Bocuse ou Alain Ducasse, les académiciens Jean Dutourd et Jean-François Revel, les pianistes Marielle et Katia Labèque, ou encore le député André Santini s'est constitué.
AP

Proverbe Africain

Si le puissant mange un caméléon, on dit que c'est pour se soigner, c'est un médicament.
Si le pauvre en mange, on l'accuse de gourmandise.
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